Morale en feu

La DécouverteDidier Fassin | Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza | La Découverte | 198 pages | 17 EURO
En tant qu’anthropologue, Didier Fassin s’intéresse depuis longtemps à ce qu’on appelle souvent le "tournant éthique" en anthropologie. Dans la lignée de la sociologie morale et politique de Luc Boltanski, ce tournant marque un changement, particulièrement depuis les années 2000, vers l’étude de la vie morale non seulement à travers les normes et les structures, mais aussi en tant qu’expérience éthique vécue : comment les gens raisonnent moralement, naviguent entre les dilemmes et articulent leurs valeurs dans des contextes quotidiens. Mais Fassin va plus loin. Son anthropologie suit de manière cohérente l’imbrication de l’éthique avec le pouvoir et les institutions. Dans des ouvrages tels que La raison humanitaire (2012) et Enforcing Order (2013), il explore comment le vocabulaire moral – compassion, dignité, humanitarisme – fonctionne dans des domaines tels que le maintien de l’ordre et l’immigration, et comment des actions apparemment " bonnes" sont compromises par les structures qui les mettent en œuvre. Son approche mêle ainsi critique éthique (responsabilité morale) et analyse politique (injustice structurelle), révélant comment les revendications morales peuvent masquer les relations de pouvoir et rendant son approche à la fois éthique et politique.
Dans Moral Abdication (2024), Fassin applique cette même grille de lecture : il examine non seulement ce qui a été fait à Gaza, mais aussi comment le discours moral occidental a permis que cela se produise. Il présente la passivité mondiale comme une abdication collective de la responsabilité morale. Ce livre ne traite pas seulement de politique, mais aussi de l’échec d’un devoir humain sur lequel insiste le tournant éthique de l’anthropologie.
Fassin rassemble une quasi-archive documentant les six premiers mois qui ont suivi le 7 octobre 2023, en particulier la manière dont les voix dissidentes – étudiants, militants, certains intellectuels – ont été réprimées. Son intention est de préserver les preuves de la résistance contre le silence imposé à la souffrance palestinienne. Il est important de noter que Fassin met en avant des universitaires palestiniens (Abdaljawad Omar, Tareq Baconi), des écrivains et des poètes (notamment Refaat Alareer), donnant une voix à ceux que le discours occidental efface.
Consentement passif et consentement actif
Fassin distingue le consentement passif (ne pas s’opposer, facilitant ainsi l’action) du consentement actif (soutenir et légitimer). Sa critique cinglante vise les gouvernements occidentaux, les intellectuels et les médias pour leur consentement passif (par exemple, la paralysie du Conseil de sécurité des Nations unies) ou leur consentement actif/complicité (justifier les actions d’Israël, voire lui vendre des armes). Selon lui, cela représente un effondrement profond de la responsabilité morale.
La police du langage
L’une des parties les plus percutantes du livre concerne le langage. Fassin montre comment celui-ci a été systématiquement manipulé et comment les appels à mettre fin aux souffrances civiles sont qualifiés d‘"antisémites" : les termes "génocide" et "nettoyage ethnique" sont interdits, les opérations militaires sont édulcorées en "ripostes" dans le cadre de la soi-disant "guerre entre Israël et le Hamas", et la simple mention du mot "Palestine" est découragée. La censure ou l’autocensure est devenue la norme dans le discours public. Il montre comment le New York Times, par exemple, a demandé à ses journalistes de ne pas utiliser les termes "génocide" et "nettoyage ethnique", "Palestine", "camps de réfugiés" ou "territoires occupés", et d’éviter les mots trop "émotionnels" tels que "massacre" ou "carnage".
Pour Fassin, il ne s’agit pas d’une simple question de sémantique. Il s’agit d’un contrôle de la pensée, amplifié par la dénonciation et la criminalisation des étudiants, des professeurs et des citoyens : "Restaurer la liberté d’expression, exiger un débat sur les mots, défendre un langage [...] pourrait rendre le monde plus intelligible" (p. 6). Cela signifie également se réapproprier l’histoire : que l’attaque du 7 octobre soit considérée comme un pogrom antisémite ou comme un acte de résistance dépend de la place accordée à l’histoire dans l’interprétation des événements. Fassin cite le roman dystopique de George Orwell, 1984 : "Qui contrôle le passé contrôle l’avenir. Qui contrôle le présent contrôle le passé." On nous demande donc d’analyser les événements et les phénomènes sociaux sans les sociologiser ni les historiciser. Il rappelle également les propos d’un ancien président français, Nicolas Sarkozy, à propos du terrorisme : "Quand on commence par chercher à expliquer l’inexplicable, on se prépare à excuser l’inexcusable."
Pour Fassin, parler de "crise humanitaire" revient à éviter de nommer les choses par leur nom, en désignant les effets sans en mentionner la cause, et à justifier la demande de couloirs humanitaires et de pauses, tout en permettant la poursuite des bombardements de civils dans un apparent respect du droit international. Aujourd’hui, de nombreux dirigeants politiques occidentaux se contentent de demander à Israël d’autoriser l’entrée de nourriture dans la bande de Gaza. Ce que Fassin analyse n’est pas un phénomène nouveau : le philosophe israélien Adi Ophir avait déjà dénoncé la politique de catastrophisation comme un moyen de mettre fin à la réflexion critique sur un conflit, au nom de l’urgence de l’intervention, tout en collaborant avec ceux qui avaient réellement causé le conflit (à savoir les forces d’occupation israéliennes).
L’islamophobie comme facteur structurant
Fassin identifie l’islamophobie comme un facteur central du consentement occidental. Elle est idéologique, enracinée dans l’histoire coloniale et post-11 septembre : les musulmans sont présentés comme dangereux, les Arabes comme une menace pour l’identité européenne, tandis que la sympathie va au gouvernement israélien (Israël étant "l’ennemi de notre ennemi"). Il note à juste titre l’expression "les musulmans sont les nouveaux juifs" qui circule dans la littérature contemporaine en sciences sociales, affirmant que l’antisémitisme historique de l’Europe s’est aujourd’hui déplacé vers les musulmans.
Prolonger l’argument : le libéralisme symbolique
Tout en approuvant le diagnostic de Fassin sur l’abdication morale, je propose de le prolonger à travers ce que j’appelle la crise de la démocratie libérale et la montée du "libéralisme symbolique".
Dans mon livre Against Symbolic Liberalism: A Plea for Dialogical Sociology (Hanafi 2025a), j’affirme qu’à une époque de polarisation croissante, les producteurs de l’économie du savoir (y compris les sciences sociales) reproduisent souvent les injustices mêmes qu’ils cherchent à combattre, en adoptant des positions figées et en rejetant tout dialogue susceptible d’apporter des perspectives alternatives. Ils adhèrent aux principes libéraux classiques, mais agissent de manière politiquement illibérale. Je critique la manière dont le libéralisme symbolique exagère l’universalité des droits tout en réduisant l’espace de dialogue.
Je rejoins pleinement Fassin lorsqu’il met en évidence certains facteurs contribuant à cette abdication morale, tels que l’islamophobie, la mémoire de l’Holocauste oscillant entre sincérité et certaines formes d’instrumentalisation, et l’héritage colonial euro-américain. Dans mon récent article (Hanafi 2025b), j’ai ajouté deux autres facteurs : premièrement, la montée du sionisme libéral symbolique, qui déforme ce qu’était historiquement le sionisme libéral, et deuxièmement, l’idée qu’Israël est un Etat laïc qui ne peut pas faire de mal.
A mon avis, le sionisme est avant tout une doctrine nationaliste qui peut être coloniale, chauvine, exclusionnaire ou émancipatrice, comme toute autre forme de nationalisme. Cependant, je pense que la transformation majeure de cette idéologie s’est produite dans deux contextes : premièrement, la manière dont les libéraux en sont venus à violer le libéralisme lui-même et à le transformer en un libéralisme symbolique et, deuxièmement, la manière dont les forces religieuses l’ont radicalisé. Alors que beaucoup veulent se concentrer uniquement sur ce dernier point (par exemple Illouz 2022), je soutiens que le problème réside avant tout chez les sionistes libéraux. Mohamad Fadel (à paraître) le définit avec justesse comme "la reconnaissance que les Palestiniens sont victimes de quelque chose, mais que leur victimisation n’exige qu’une réponse humaine, et non une réponse juridique conforme aux principes généraux de justice libérale". Cette forme de sionisme ne prend pas au sérieux l’égalité des Palestiniens, et cet échec se manifeste, selon Fadel, dans trois dimensions clés :
(1) De nombreuses banderoles brandies lors de ces manifestations indiquaient clairement qu'il s'agissait d'un appel en faveur d'un Etat démocratique et laïc pour tous ses habitants.
1. Historique : Le sionisme libéral symbolique ignore souvent l’histoire de la Palestine avant la création de l’Etat d’Israël. Par exemple, Eva Illouz (2024) a récemment critiqué dans une interview le slogan "De la rivière à la mer, la Palestine sera libre", arguant que c’est la première fois qu’une nation [les Israéliens] est appelée à être éliminée (1). Elle a commodément omis de mentionner qu’Israël avait déjà effectivement éliminé la nation palestinienne bien avant cela.
2. Juridique : Les sionistes libéraux symboliques ignorent les normes juridiques qui existaient en Palestine avant et après la création de l’Etat d’Israël. Areej Sabbagh-Khoury (2023) donne l’exemple du mouvement de colonisation sioniste de gauche, Hashomer Hatzair, qui, en utilisant de nouvelles normes juridiques spécifiques, a transformé de vastes portions de la Palestine en territoire juif souverain. La loi sur les biens des absents a fourni un mécanisme juridique permettant à l’Etat d’exproprier les biens des particuliers et des entreprises palestiniens. Cette loi traitait les Palestiniens comme des sujets sans droits, et le conflit entre les sionistes et les Palestiniens non juifs est souvent présenté comme un conflit qui se déroule dans un terra nullius (une terre n’appartenant à personne). Dans cette optique, le fait historique de la marginalisation des Juifs est considéré comme suffisant pour disculper le projet sioniste des accusations de colonialisme. Bien sûr, cela ignore également le fait que la Cisjordanie, la bande de Gaza et le plateau du Golan sont internationalement reconnus comme des territoires occupés.
3. Politique : Depuis la création d’Israël, les sionistes libéraux ont milité pour un système de domination ethnique juive sur la Palestine et les Palestiniens arabes non juifs. Ils présentent leurs objectifs politiques comme rationnels, axés sur la sécurité du peuple juif, mais "ils ne sont pas raisonnables car leurs propositions ne cherchent pas une base commune pour une coopération réciproque avec les Palestiniens non juifs sur la base d’une reconnaissance mutuelle de l’égalité" (Fadel, à paraître). En fin de compte, le sionisme libéral symbolique repose sur la conviction que ce qui est bon pour les Juifs en tant que peuple est plus important que l’idéal libéral conventionnel de liberté réciproque. Plus généralement, John Rawls (1993) qualifie un tel arrangement de "modus vivendi", qui est intrinsèquement instable. Pour le libéralisme politique rawlsien, le passage du rationnel au raisonnable est crucial, et ce changement est violé par le sionisme libéral symbolique (Fadel, à paraître). Ce courant du sionisme libéral n’est pas gouverné par les élites libérales civiles classiques, mais souvent par une forte intervention des institutions militaires et sécuritaires qui, toutes deux, méprisent la justice nationale pour les colonisés et façonnent également la manière dont la société israélienne négocie des conceptions concurrentes du bien.
Un autre facteur qui, à mon avis, contribue à expliquer cette abdication morale est la perception largement répandue en Occident d’Israël comme un Etat laïc qui ne peut pas faire de mal. Cependant, si l’on examine un seul indicateur – l’expansion des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés –, on se rend rapidement compte que les dirigeants israéliens – tant laïcs que religieux, tant de gauche que de droite – se sont livrés à ce vol de terres (Hanafi 2013). Je me souviens d’une conférence publique donnée par le sociologue français Alain Touraine à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris en 1993, où il évoquait le "miracle" israélien d’avoir absorbé 100.000 Juifs russes en peu de temps. Lorsque j’ai contesté ce "miracle" en soulignant que la plupart de ces Russes avaient été installés illégalement en Palestine occupée, il m’a répondu : "Monsieur Hanafi, ces migrants vont changer la donne : ayant grandi en Union soviétique, ils sont laïques, ils soutiendront donc le processus de paix."
Faisant preuve d’une naïveté perverse, il ne se rendait pas compte que ces colons illégaux allaient créer certains des partis politiques d’extrême droite les plus colonialistes du régime israélien – tels que Yisrael Beiteinu (Israël Notre Maison) – et s’allier au mouvement des colons religieux en Cisjordanie. Après cette anecdote, nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et, de temps à autre, il m’interrogeait sur le conflit israélo-arabe. Je lui rappelais ce qu’il avait dit, mais à chaque fois, il se contentait de rire ou de me sourire largement.
Enfin, permettez-moi d’aller plus loin dans la formidable analyse de Fassin sur l’abdication morale en affirmant qu’il ne s’agit pas simplement d’indifférence vis-à-vis de l’autre ou de ceux dont la vie n’a pas de valeur, mais qu’il s’agit de désarmer toute délibération dans la sphère publique en criminalisant la solidarité avec les Palestiniens. Cette criminalisation a commencé avant la guerre de Gaza, en confondant, depuis l’adoption par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) de sa définition de travail de l’antisémitisme en 2005, l’antisionisme avec l’antisémitisme et même en redéfinissant le sionisme non pas comme une doctrine nationale, mais comme une ethnicité. Selon cette redéfinition, les sionistes sont considérés comme une nationalité, au même titre que les Arabes, les Mexicains ou les Français, et toute critique de cette "nationalité" est qualifiée de raciste. Il s’agit là d’une judiciarisation excessive de notre vie qui rend impossible toute argumentation morale dans la sphère publique. La définition de l’antisémitisme de l’IHRA fait partie de la législation de nombreux pays occidentaux afin de transférer les critiques du débat public vers les tribunaux, excluant ainsi tout argument moral dans la sphère publique.
Conclusion
La clarté morale (complexe) de Fassin est à la fois urgente et prémonitoire. Dès novembre 2023, il mettait en garde contre "le spectre du génocide à Gaza" (Fassin 2023). Ce génocide a été confirmé non seulement par les agences des Nations unies et les organisations internationales de défense des droits humains, mais aussi par deux organisations israéliennes de défense des droits humains, B’Tselem et Physicians for Human Rights Israel, qui ont admis dans deux rapports qu’Israël commettait un génocide. Même l’historien israélien Raz Segal décrit ce qui se passe à Gaza comme un "cas d’école de génocide".
A travers le prisme des droits humains et de l’égalité des vies, Fassin situe la crise de Gaza dans le contexte plus large de l’effondrement de l’autorité morale en Occident, un argument récemment repris par d’autres chercheurs. Cet ouvrage est l’un des principaux livres qui considèrent que le monde après Gaza est différent de celui d’avant. Permettez-moi de mettre en avant le livre d’Andreas Malm (2025) The Destruction of Palestine Is the Destruction of the Earth, qui met en évidence le point de convergence entre deux processus, le politique et l’environnemental, dont Gaza est le microcosme. Ce "technogénocide", comme le qualifie Malm, perpétré par un Etat technologiquement avancé, est le premier génocide avancé du capitalisme tardif.
Fassin n’est pas seulement influencé par le tournant éthique ; il en est l’une des principales voix intellectuelles, tout en conservant une dimension politique qui le distingue des anthropologues plus purement orientés vers l’éthique de la vertu. En confrontant le silence occidental, Moral Abdication constitue à la fois une avancée majeure en anthropologie et une intervention urgente dans le débat public mondial.
Les campagnes de dénigrement qui ont suivi la publication de ce livre me rappellent une conversation que j’ai eue avec Ghassan Hage au sujet de son travail de terrain au Liban pendant la guerre civile de 1978. L’un de ses interlocuteurs, membre d’une milice d’extrême droite, affirmait que les Palestiniens du Liban avaient pour objectif de prendre le contrôle du pays et d’y établir une patrie alternative. Lorsque Hage lui a demandé s’il avait des preuves de cela, l’homme est tombé dans un silence menaçant avant de reprocher avec colère à la question et à son auteur d’être politiquement odieux : "Je vais chercher mon revolver dans ma voiture." Aujourd’hui, j’ai l’impression que le niveau du débat sur la guerre d’Israël contre Gaza a atteint ce même niveau de "preuve". Dans le même ordre d’idées, lors d’une conférence à Oslo sur la guerre à Gaza, j’ai rencontré un membre du public qui affirmait avec insistance que l’antisémitisme était en hausse en Europe, attribuant cela aux manifestants qui réclamaient un cessez-le-feu à Gaza et une solution politique à l’occupation israélienne. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander s’il aurait été normal, pendant la guerre d’Algérie dans les années 1950 ou le génocide allemand en Namibie au début des années 1900, d’affirmer que les Algériens étaient anti-français et les Namibiens anti-allemands – ou pire, que les Algériens et les Namibiens étaient anti-chrétiens.
Le niveau de la discussion parmi certains détracteurs de l’ouvrage de Fassin – qui invoquent une prétendue montée de l’antisémitisme parmi les Palestiniens – reste tout aussi médiocre. Des critiques, comme une recension parue dans Le Monde , ont accusé Fassin de déformer ses sources. Mais ces objections pâlissent devant la force de son accusation : l’Occident a échoué non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan moral, et cette abdication pourrait façonner l’ordre mondial à venir.
References
Fadel, Mohammad. Forthcoming. “Beyond Liberal Zionism: International Law, Political Liberalism and the Possibility of a Just Zionism.” Transnational Law and Contemporary Problems.
Fassin, Didier. 2012. Humanitarian Reason: A Moral History of the Present. University of California Press.
Fassin, Didier. 2013. Enforcing Order: An Ethnography of Urban Policing. Polity.
Fassin, Didier. 2023. “Le Spectre d’un Génocide à Gaza.” AOC, November 1. https://aoc.media/opinion/2023/10/31/le-spectre-dun-genocide-a-gaza/.
Fassin, Didier. 2024. Moral Abdication: How the World Failed to Stop the Destruction of Gaza. Translated by Gregory Elliott. Verso.
Hanafi, Sari. 2013. “Explaining Spacio-Cide in the Palestinian Territory: Colonization, Separation, and State of Exception.” Current Sociology 61 (2): 190–205.
Hanafi, Sari. 2025a. Against Symbolic Liberalism: A Plea for Dialogical Sociology. Liverpool University Press.
Hanafi, Sari. 2025b. “Societal Polarization, Academic Freedom, and the Promise of Dialogical Sociology.” Dialogues in Sociology 1 (2).
Illouz, Eva. 2022. Les Émotions contre la démocratie. Premier Parallèle.
Illouz, Eva. 2024. “Antisemitismus an Den Universitäten: Euer Hass Auf Juden.” Süddeutsche Zeitung (Germany), May 17. https://tinyurl.com/vetf26bv.
Malm, Andreas. 2025. The Destruction of Palestine Is the Destruction of the Earth. Verso.
Rawls, John. 1993. Political Liberalism. Columbia University Press.
Sabbagh-Khoury, Areej. 2023. Colonizing Palestine: The Zionist Left and the Making of the Palestinian Nakba. 1st edition. Stanford University Press.